Les moutons de Jean-Roch Lemoine

 

Que cultivez-vous ?
Je cultive des céréales, des betteraves sucrières, des pommes de terre de consommation, de la luzerne et des prairies. Mais j’essaye aussi de cultiver la bonne humeur, et la convivialité même si ce n’est pas tous les jours évident mais on essaye de s’y employer. Il paraît qu’on est moins fatigué à être heureux qu’à faire la tête !

Dans quelle région êtes-vous ?
En Champagne-Ardenne, dans le département de l’Aube, donc dans la région Grand Est, mais plus exactement dans la commune de Champfleury.

Combien de moutons élevez-vous ?
J’ai environ 1900 brebis et une centaine de béliers, répartis entre la race Romane et les Moutons Vendéens.

On a toujours élevé des moutons dans la Région Grand Est ?
Oui mais cela a décliné dans les années 80 au moment de l’essor des grandes cultures. 

Et vous défendez la complémentarité de la culture des céréales avec l’élevage des ovins ?
Tout à fait, mes céréales et mes cultures nourrissent mes brebis et les brebis, par la production de fumiers, nourrissent les sols. Je mets mes brebis dans les prairies, elles vont chercher à manger dans les champs par l’intermédiaire des pâtures. J’essaye d’harmoniser les deux. Je gagne un peu moins sur les grandes cultures mais cela améliore la rentabilité sur l’élevage, cela fait un équilibre dans lequel je me retrouve bien aussi.

PAïSAN rencontre Jean-Roch Lemoine - Agriculteur et éleveur de brebis
PAïSAN rencontre Jean-Roch Lemoine - Agriculteur et éleveur de brebis
PAïSAN rencontre Jean-Roch Lemoine - Agriculteur et éleveur de brebis

Et cela améliore aussi le sens de son travail ?
Oui c’est tout un ensemble. Et je ne suis pas tout seul car j’ai deux salariés et aussi mon fils qui s’est installé. Il est même encore plus motivé par les moutons que par les grandes cultures. Alors je lui explique qu’on a besoin des deux.

Vous dîtes que le végétal et l’animal sont deux mondes qui devraient se parler plus ?
Chacun devient trop individualiste. C’est à celui qui gagnera le plus ou à celui qui perdra le moins alors que je pense que l’on pourrait avoir un système comme celui que j’essaye de faire. Ce n’est pas maximiser, mais optimiser.

Que devient la laine de vos moutons ?
A l’heure actuelle c’est ma coopérative qui la ramasse. Ensuite je ne sais pas dans quel circuit elle va si ce n’est que 80% des laines françaises partent en Chine. Elle doit être lavée là-bas mais on ne sait pas ce qu’elle devient. Je le regrette car on aime bien connaître la finalité de notre produit.

C’est vous qui faites la tonte ?
Non, c’est une personne spécialisée. Je sais tondre mais c’est très physique et je ne vais pas aussi vite que mon tondeur. Quand il est en forme il en fait 300 dans la journée en démarrant à 6h et terminant à 19h30, alors que moi quand j’en fais 70 j’ai bien travaillé et je suis content.

C’est mieux pour les brebis ?
Ce qui est bien pour la brebis c’est de lui enlever son manteau de laine car si on lui laisse elle n’est pas bien. Il faut le faire tous les ans. Je répartis sur quatre périodes de tonte, à chaque fois un mois avant l'agnelage.

Beaucoup d'éleveurs brûlent leur laine ?
Beaucoup je ne sais pas car c’est une pratique interdite pour éviter toute dissémination possible de parasites ou de maladies, la laine est un sous-produit classé en catégorie 3 dans les risques sanitaires.

PAïSAN rencontre Jean-Roch Lemoine - Agriculteur et éleveur de brebis
PAïSAN rencontre Jean-Roch Lemoine - Agriculteur et éleveur de brebis
PAïSAN rencontre Jean-Roch Lemoine - Agriculteur et éleveur de brebis

Vous êtes le président du collectif Tricolor.
Oui j’ai cet honneur d’avoir été élu premier président du collectif Tricolor. Sa mission principale est de recréer une filière et un renouveau pour les laines françaises et d’essayer de faire en sorte que dans tous les maillons de la chaîne, de l’éleveur au fabricant et distributeur, tout le monde puisse vivre de son métier et des produits de la laine.

Pourquoi la filière laine a-t-elle disparu ?
Nous n’étions pas au top sur le lavage de laine au niveau environnemental alors comme en France on aime bien faire ailleurs pour cacher les problèmes alors la filière laine a pratiquement disparu. Maintenant on essaye de recréer une filière laine d’un bout à l’autre. C’est le moment de le faire car la société a envie de retrouver du local et du durable.

Est-ce que cultiver le lien entre travailleurs des champs, travailleurs des villes et les citoyens a du sens ?
On a besoin de tout le monde, tout le monde a besoin de tout le monde, c’est ce qui fait une société. Le lien on l’a perdu car les nouvelles générations n’ont pas forcément eu des grand-parents vivant à la campagne ou issus du monde rural.

Un lieu à nous faire découvrir ?
Vous pouvez venir chez nous bien sûr ! C’est particulier car c’est très plat et Il y a beaucoup d’éoliennes car il n’y a pas beaucoup d’obstacles. Et il y a notre territoire de Champagne, très intéressant à visiter avec toujours une dégustation possible !

Un lien pour une prochaine interview PAïSAN ?
Pascal Gautrand, la cheville ouvrière du collectif Tricolor, il essaye de mettre tout en musique pour recréer cette filière. Vous savez, un poil de laine isolé ne sert à rien, par contre tous les fils entremêlés vont créer un beau fil et un beau pull ! Et bien le collectif Tricolor c’est exactement cela. Je vous conseille également d’aller visiter le lavage du Gévaudan en Haute-Loire, le dernier lavage qui existe en France et qui vient d’être relancé.

Et on peut en faire aussi des charentaises !
Exactement, il faut feutrer la laine pour faire des charentaises.

Cultivez le lien en retrouvant Jean-Roch Lemoine
au travers du travail du Collectif Tricolor