Tatouage végétal, Point Barre !
Que cultivez-vous ?
La bienveillance, pour le salon et la vie en général, envers les clients, les collègues, les voisins... Si vous êtes bienveillant avec les gens, ils le sont envers vous.
Votre studio de tatouage est très calme et épuré.
Je voulais quelque chose d’assez épuré. J’ai ajouté pas mal de plantes, je les accumule, il faut que je me calme ! C’était important de faire un lieu convivial, doux et accueillant qui sorte des codes du salon de tatouage avec le cliché du rouge et du noir, rock et très chargé. Comme il y a le slow food, il doit y avoir le slow tatoo, on prend le temps. Par exemple, j'accueille les clients avec une boisson au concombre/basilic, ou citron/menthe et on prend le temps de parler. J’ai écrit sur la vitrine "Contemporary Tatoo”, aussi pour éviter le tribal et les têtes de mort.
L’acte de tatouage doit-il aussi être indélébile ?
Oui, le moment du tatouage doit aussi être gravé. Certains clients ne savent même plus où et qui leur a fait leur tatouage, ça veut dire qu’ils l’ont consommé comme on consomme un vêtement en fast fashion. D’ailleurs je n’ai pas trop de Flash Tatoo disponibles car je préfère dialoguer et échanger par email pour construire le projet ensemble ou en face à face suivant le sujet.
Exclusivement des fleurs et du végétal ?
Avec l’expérience acquise, j’essaye de me concentrer sur ce sujet. J’adore aussi les légumes et les fruits et de temps en temps je fais des animaux, ou des insectes comme des abeilles ou papillons que j’adore. Cette année j’ai tatoué beaucoup d’abeilles. Et c’est très souvent un tatouage choisi comme un symbole d’engagement.
Quelques exemples de fleurs proposées ?
Iris Germanica, Camélias Sasanqua, Coquelicot Papaver Rhoeas, Lilas Syringa, Lavande Angustifolia…et j’adore la Rose Hybride de Thé, avec sa couleur pastel un peu délavée, comme de l’aquarelle, entre la Pivoine et la Rose. Je viens de faire une plante magnifique, j’ai fait un dos avec la Gloriosa Superba, elle pousse en rabattant les ailes. Les clients me surprennent tous les jours, hier c’était du Millepertuis, avant-hier de l'Hellébore. La dernière fois j’ai fait des Véronique petit-chêne, je ne connaissais pas. Et la semaine suivante une autre personne me demandait une Véronique petit-chêne, la loi des séries ! C’est aussi lié aux saisons. Quand c’est la saison des Hortensias j’ai plus de demandes de tatouages Hortensia, idem pour le Muguet. J’imagine que c’est comme une madeleine de proust avec des souvenirs d’enfance.
Et la fleur de lin ?
J’en ai beaucoup tatouées. Parce que ce sont des fleurs qui agrémentent les bouquets et on me demande souvent de composer un tatouage comme on compose un bouquet.
Et les fruits et légumes ?
C’est plus surprenant mais c’est aussi souvent un fruit ou légume qui a marqué la personne. En ce moment, je suis en train de faire tout le bras d’un chef cuisinier avec des légumes. Une courgette et sa fleur, des cosses de petits pois, des topinambours, un poireau crayon, le bras commence à se remplir.
Une feuille séchée sur le comptoir ?
C’est de la fougère, j’en ai de trois espèces différentes, j’adore les fougères.
Vous dîtes que le studio est un espace éco-conscient ?
On a essayé d’avoir le moins d’impact possible sur l’environnement. Quand j'étais en apprentissage, je me disais qu’il fallait trouver des solutions aux problématiques liées aux plastiques, aux déchets, et à tous ces produits nocifs. Pour les produits ménagers, on nous impose les normes d’hygiène européennes qu’il faut respecter donc il n’y a pas de solution. Mais, par exemple, pour remplacer la vaseline, fabriquée à base de pétrole, je fabrique un onguent. Je mélange de l’huile de coco, du calendula, de la mangue, du karité bio, de la cire de soja et un petit peu d’huile essentielle de lavande. Je l’applique pendant le tatouage et le conseille pour la cicatrisation.
Et le sujet de l’encre ?
Il y a très longtemps, l'encre noire était constituée d’os d’animaux broyés et calcinés.Toutes les encres sont désormais synthétiques. Le rouge, qui était auparavant fabriqué à base de cochenilles, et très allergène, a été le dernier pigment à devenir synthétique. Mais aujourd’hui toutes les marques d’encres sont vegan. Le SNAT (Syndicat National des Artistes Tatoueurs) vient de nous alerter sur la mise en application éventuelle d’une loi qui interdit 80% des encres de couleur synthétiques. En dehors de faire des stocks périssables, il n’y a pas de solution...
Vous avez acheté deux tabliers PAïSAN ?
Mes clients sont très engagés sur les causes environnementales et animales, on en parle souvent. Alors même s' ils ne voient pas tout, c’est important pour moi de faire certaines choses. Je voulais un tablier en lin naturel aussi pour ses propriétés de thermorégulation. Je suis alors tombé sur PAïSAN et le nom m’est apparu comme une évidence. Et en plus j’ai découvert avec vous que le lin est antibactérien. J’en suis très content, il est bien coupé, il me protège bien. J’aimerais ne pas le tacher !
Votre regard sur PAïSAN ?
C’est l’engagement qui m’a plu, avec la production locale.
L’outil de votre quotidien ?
L’Ipad sur lequel je dessine tous les jours et le dermographe - ou le pistolet - qui est son prolongement pour me permettre de tatouer le dessin sur la peau.
Le prochain projet ?
J’aimerais faire des tatouages de plus en plus spontanés, dessiner sur la peau sans faire de transfert. Maintenant que j’ai acquis un peu d’expérience, il y a certaines fleurs que je peux dessiner à main levée. J’aimerais prendre de la place sur le corps, dialoguer avec le corps, avec les courbes, faire des sculptures florales sur le bras et avoir plus de liberté.
Un lieu à nous faire découvrir ?
Quand j’étais petit j’étais un peu agité, enfermé entre quatre murs, j'habitais à Auxerre, en Bourgogne, dans une cité entre la ZUP et la ZAC. Et dès que je dépassais un peu les bornes, ma maman m'emmenait dans Le Petit Chemin. Entre les différentes cités il y avait une grosse zone agricole. On s’y baladait, il y avait toujours quelque chose à regarder, on voyait les paysans qui y travaillaient. C’était la seule verdure que j’avais.
Le petit point entre les barres ?
C’est vrai, exactement ! Encore un lien caché.
Pourquoi ce nom Point Barre ?
Au tout début, mon style était autour des animaux et je ne travaillais que en dot, point par point. Les points resserrés créent une ligne, une barre. C’est paradoxale car je suis tout sauf “Point Barre”, je dois toujours ajouter des détails, surement pour créer plus d’identité.
Un lien pour une prochaine interview ?
Une personne qui fait des petits meubles très bien produits et localement, à Clermont-Ferrand, Adeline Papon et sa marque Apan @apanatelier
Cultivez le lien en retrouvant Julien
sur Instagram @pointbarre.tattoo