La peinture rare, passionnante et inspirante de Romain Gauthier
Votre prénom et nom ?
Je m’appelle Romain Gauthier, mais on peut m’appeler Romain Ro ou RO Studio.
Que cultivez-vous ?
Je cultive le choix du bienfait dans mon atelier de sérigraphie holistique. C’est l’idée de privilégier l’intention sur la réalisation, pour réussir à ancrer dans nos objets, nos choix de société. J’ai une petite phrase par rapport à ça : “à quoi bon le beau s’il ne fait pas le bien ?”
Qu’est-ce que la peinture holistique ?
C’est une approche globale de la peinture, une vision qui redistribue les valeurs qu’on attribue aux couleurs. Concrètement, c’est une peinture tournée vers ses ingrédients, vers son usage et vers l’écosystème dans lequel elle trouve sa place. Holistique ça veut dire globale. Une vision holistique c’est quelque chose qui évite de faire rentrer les choses dans un cadre, qui privilégie le lien, les interactions que les choses peuvent avoir entre elles.
Quels sont les quatre points cardinaux de la peinture holistique ?
Ils sont un peu secrets ! Au-delà de ce qu’ils sont, c’est avant tout un outil qui m’aide au quotidien pour fabriquer mes peintures. Il fonctionne comme une boussole. Quand je place mon intention de peinture au centre de cet outil, mes quatre points cardinaux vont m’aider à trouver la formule de ma peinture. Je vais savoir dans quelle direction je dois aller au moment où je fabrique ma peinture pour répondre à cette intention. La colle ou l’outil sont parmis eux. Il y en a encore deux autres. C’est plus un outil que quatre points ou quatre lieux. On pourrait mettre presque tout et n’importe quoi dessus, c’est vraiment inspiré de la boussole.
C’est nécessaire de partager son savoir faire ?
L’holistique c’est tout sauf l’essentiel et le non essentiel. A un moment dans le cycle, c’est important de partager ses savoirs, autant pour sauvegarder l’histoire que pour la bousculer, parce que si le savoir c'est le pouvoir, je pense que c’est important aujourd’hui de mieux le partager.
Qu’est-ce que le holi-kit ?
Le holi-kit, c’est un kit que j’ai inventé pour faire de la sérigraphie, pour faire une vingtaine d’impressions, qui se compose d’une dose de peinture en poudre et d’un pochoir souple écologique. La peinture est délivrée en poudre pour réduire l’impact de son transport et pour éviter de transporter de l’eau.
Vous nous parlez de la sérigraphie water free ?
C’est une idée que j’ai eue il y a cinq ans. C’est l’idée d’une sérigraphie sèche où on trouve une alternative à l’enduction photosensible des écrans, qui est extrêmement polluante, à toute la quantité d’eau qui est dégradée. J’avais l’idée de pouvoir proposer la sérigraphie dans des endroits moins fournis en énergies ou en eau. C’est l’idée d’être mobile et résiliant dans sa technique.
Pourquoi avez-vous décidé de revenir à la teinture végétale ?
J’ai l’impression que j’y suis juste allé, plutôt que d’y revenir parce que la teinture végétale c’est un outil assez ludique, qui a cet avantage de préserver le vivant. Elle change avec son temps. Elle permet plus de poésie avec ses ingrédients que de la teinture synthétique ou industrielle.
Les limites de la teinture végétale ?
Ses limites, ça va être le support sur lequel elle s’applique. Selon les colorants qu’on manipule, on aura peut-être du mal à les faire tenir sur des tissus ou des supports synthétiques. Mais moi je vois ça comme une sorte de potentiel parce que quand on fait de l’évènementiel, on a peut-être envie que son impression ne tienne pas pour économiser du t-shirt et avoir des prints réversibles. Tu peux imprimer quelque chose en sachant que ça ne tiendra pas dessus, puis tu peux réimprimer quelque chose de différent. Je vois ça comme un potentiel plutôt que quelque chose de limitant.
Vous nous parlez de “teinture de rue” ?
Teinture de rue c'est un projet qui vise à valoriser le local, le naturel et le saisonnier en utilisant les végétaux de sa rue pour donner de la couleur à ses créations. C'est aussi une approche qui encourage à s'approprier l'espace urbain. Et questionner le bon du mauvais en allant chercher la couleur dans ce qu'on qualifie naïvement de "mauvaises herbes". C'est une manière d'approcher la couleur non pas par sa teinte mais par son moment (période de l'année)
Quels ingrédients pour le vert PAïSAN ?
Je vais me permettre de reformuler la question. Je dirais sans jeu de mots ou avec jeu de mots : “VERS quels ingrédients pour PAïSAN ?”. Pour le vert de PAïSAN, je choisirais sûrement une dose de tournesol et un trident, pour signifier le fer, car quand on va le combiner avec des colorants jaunes, il va souvent tendre vers des verts. Le tournesol, je suis même pas sûr qu’il fasse vraiment du jaune mais c’était plus pour l’image. Je peux me permettre aujourd’hui de plus axer mon discours et mes couleurs sur les ingrédients qu’ils engagent plutôt que de trouver les ingrédients qui me permettent d’arriver à la teinte. Mon but est de créer des couleurs dont la teinte est le résultat final et non le point de départ.
Votre objet du quotidien ?
Je dirais aujourd’hui que mon objet du quotidien c’est le collectif, c’est d’être ensemble. Sans ça, je ne pourrais rien faire. Il y a des outils que j’aime bien manipuler comme les petites raclettes que je me suis faites sur mesure, les points cardinaux, le holi-kit, mais l’outil essentiel dans mon travail c’est les autres, c’est les gens.
Un lieu à nous faire découvrir ?
La vallée de Nay, dans le Pays Basque, où les américains ont implanté le maïs modifié. C’est à partir de cet espace en France que l’agriculture est vraiment née et que la paysannerie est morte. Les paysans se sont mis à acheter des semences hybrides plutôt que des semences locales comme le maïs basque, qui était très bien jusque là. Peut être qu’au niveau du rendement c’était moins bon, mais c’était aussi une vision holistique de la vie !
Un lien vers un collectif ou une personne pour une prochaine itw ?
J’aurais parlé d’Annabelle et son travail Matière Brute Lab. Ce sont des cosmétiques frais de saison qui sont inspirés de l’alimentation, de l’agriculture, du sol. Il y a un truc très paysan dans son approche que j’aime beaucoup.
On a oublié une question ?
Je dirais peut-être quelle musique j’ai envie d'écouter, parce que quand les gens viennent dans mon atelier, je leur propose toujours un café, un thé et une musique, une ambiance, parce que je crois que mon travail est très lié à une question d’ambiance.
Et donc ?
Bah je réponds pas vous l’avez oublié ! (rires) C’est fair play !
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