La cuisine durable de Marie-Laure

 

Que cultivez-vous ?
Si on pouvait la cultiver, ce serait la connaissance, pour la partager, le faire savoir est important.

Comment est né ce livre ?
C’est le troisième livre que nous faisons ensemble avec Valérie Lhomme et Bérangère Abraham, on avait déjà fait l’encyclopédie du pain maison, puis l’encyclopédie de la viennoiserie. C’est vraiment le travail d’une équipe de trois femmes. Valérie illustre le livre avec ses photos et Bérangère est styliste culinaire.

Comment définir une alimentation durable ?
Manger ce qui est bon pour nous et pour la planète. Bon nutritionnellement parlant mais savoureux aussi et qui ne va pas détruire la nature et la biodiversité mais qui sera aussi bonne pour ses habitants et ceux qui produisent. Il y a une dimension sociale dans le durable et elle est importante. Ce n’est pas une énième injonction ni une contrainte, c’est au contraire la liberté de choisir en conscience. Quand on sait, on peut faire ses choix et aller vers des choses qu’on aime.

Le livre est organisé en 3 parties?
La première partie c’est “Le savoir”, tout ce que l’on mange et ce que l’on boit au prisme du durable. Mais je ne voulais pas être dans l’injonction. Mon métier c’est de faire savoir, faire connaître donc j’expose toutes les façons dont les choses sont produites avec l’idée qu’une fois qu’on a accès à toutes ces informations, on va mieux choisir. La deuxième partie c’est “Faire” donc là c’est nous, en cuisine, savoir faire ses courses, savoir préserver ces beaux aliments qu’on aura pris la peine d’aller choisir, et les cuisiner.

Une centaine de recettes ?
80 recettes de Bérangère et 20 recettes partagées par nos invités qui sont des chefs, producteurs ou des gens qui gravitent autour de l'alimentation. Elles sont détaillées par moments de vie. La cuisine de tous les jours, la cuisine qui prend son temps, si on a du temps pour des choses mijotées par exemple. La cuisine de plein air quand on est dehors ou en vacances avec des choses plus spontanées, plus végétales. La cuisine du jardin avec le retour du potager. La cuisine réconfortante et la cuisine de garde pour faire ses confitures et ses bocaux. La cuisine d’ici et d’ailleurs pour se réapproprier la cuisine fusion, exotique mais avec des ingrédients d’un peu plus d’ici. La cuisine est aussi un métissage dont on apprend beaucoup avec les techniques ou les recettes. Et les plaisirs sucrés avec les gâteaux et les goûters !

PAïSAN rencontre Marie-Laure Fréchet - Journaliste culinaire
PAïSAN rencontre Marie-Laure Fréchet - Journaliste culinaire
PAïSAN rencontre Marie-Laure Fréchet - Journaliste culinaire

Par où commencer pour une alimentation durable ?
Le premier niveau c’est savoir faire ses courses. Et se réapproprier ce mot “courses”, dans ce mot il y a une notion d’effort et d’emballement, “on fait ses courses, on remplit vite-fait un charriot”. Autrefois on disait “faire ses provisions”, et moi je préfère ce terme. Donc il faut se réapproprier cet acte d’aller choisir son alimentation, en conscience et connaissance, quand on connaît mieux on choisit mieux, et sans excès.

Il faut aussi savoir choisir ses ustensiles ?
Oui, choisir des matériaux durables, des ustensiles de cuisine qui déjà intrinsèquement ne seront pas néfastes pour nous, qui ne dégageront pas de substances nocives. Mais il y a aussi la façon de cuir nos aliments, qui va préserver les nutriments. C’est dommage d’avoir des fruits et des légumes extra frais et gorgés de vitamines et de les détruire par une cuisson trop violente.

Bien faire ses courses c’est déjà bien regarder ce que l’on a dans son placard et son frigo ?
Oui car nos placards et frigos débordent. Donc c’est déjà de savoir gérer nos stocks et on en revient à la notion de provisions. Savoir de temps en temps “faire de la cuisine de placard”, on a tous tendance à dire “mon placard est vide”, mais il n’est jamais vide.

Durable c’est faire soi-même.
L’essentiel c’est quand même le fait-maison, la première chose c’est d’arrêter d’acheter des aliments ultra transformés, industriels. C’est possible une fois de temps en temps par manque de temps ou de choix, mais il faut se dégager de cela car ça coche toutes les mauvaises cases, nutritionnellement c’est une catastrophe, c’est néfaste pour la santé, et ce n’est pas bon pour la planète.

Cuisiner durable c’est aussi préparer pour plusieurs jours, semaines ou mois ?
Cela dépend de sa façon de cuisiner ou du nombre de personnes dans la famille. Quand on est seul ou en couple c’est plus facile de cuisiner au jour le jour. Cela dépend aussi de son écosystème, du budget et de là où l’on vit et de l’accès que l’on a pour faire ses courses, alors je ne veux pas donner de leçons.

C’est quoi une cuisine vivante ?
Une cuisine à base d’ingrédients qu’on peut rattacher facilement à l’endroit où ils ont été produits, les légumes dont on connaît le producteur. 100% de notre alimentation a été vivante à un moment ou un autre, à part le sel. Au plus le circuit se raccourcit plus, au plus on se rapproche du vivant. C’est une cuisine qui nous maintient vivant aussi, en alerte par rapport aux gens qui nous entourent.

PAïSAN rencontre Marie-Laure Fréchet - Journaliste culinaire
PAïSAN rencontre Marie-Laure Fréchet - Journaliste culinaire
PAïSAN rencontre Marie-Laure Fréchet - Journaliste culinaire

Et le locavorisme ?
C’est le bon sens d’aller acheter autour de soi, par contre je ne suis pas à 100% pour le locavorisme car la cuisine est historiquement un grand métissage, des échanges, des produits qui circulent. J’assume les épices par exemple mais cela ne doit pas empêcher de les sourcer, savoir d’où elles viennent et comment elles ont été produites. Et c’est la même chose pour le café, le thé et le chocolat.

Manger durable c’est manger moins de viande ?
A tous points de vue. Pour préserver la planète et aussi pour nous nutritionnellement parlant, il faudrait que l’on ait 80% de végétaux dans notre alimentation. Mais on est qu’au début car il y a encore beaucoup de choses que nous n’avons pas encore explorées, comme l’art de cuisiner les féculents, les champignons, les algues… Je ne prône pas le végétarisme mais je mets juste le doigt là où ça fait mal et j’invite à prendre conscience que derrière une viande il y a un animal, donc le respect de l’animal, la souffrance animale et la façon dont il est élevé.

Aller vers une cuisine durable c’est faire du bien à la planète, soi-même mais aussi à ceux qui produisent ?
Oui dans le durable il y a cette notion sociable et humaine qui est très importante.

Quel regard avez-vous sur PAïSAN ?
Cela a complètement du sens, comme dans la gastronomie, de mettre un nom derrière chaque produit. Prendre conscience qu’un produit en matière naturel vient du vivant aussi.

Qu’avez-vous mangé hier soir ?
J’ai fait ma paresseuse et je me suis acheté des raviolis chez un petit traiteur italien qui les fait lui-même.

L’objet (durable) de votre quotidien ?
Je suis incapable de cuisiner sans un tablier. Mon bureau étant juste à côté de ma cuisine, il m’arrive de le porter toute la journée.

Un lieu à nous faire découvrir ?
Le Nord et les Monts des Flandres, il y a des ciels incroyables, on y fait pousser du houblon et du lin !

Un lien pour une prochaine interview ?
Florent Ladeyn, un chef des Flandres et locavore. Tous les ingrédients viennent d’un rayon de moins de 50 km, vous n’y trouverez jamais de café et sa seule exception c’est le vin. Il arrive même à produire du sel de la mer du nord. il sera sensible à votre démarche.

Cultivez le lien en retrouvant Marie-Laure Fréchet
avec le livre L’encyclopédie de l’alimentation durable pour une cuisine vivante (Flammarion)
sur Instagram @mlfrechet
sur Internet marielaurefrechet.com