Eugénie l’Ambullangère
Que cultivez-vous ?
Je cultive l’émerveillement et la joie parce que c’est ce qui me meut, me transporte au quotidien.
Quelle est votre activité ?
Je suis boulangère, c’est une passion qui est devenue une vocation et pour l’instant c’est ce qui me plait. A côté je suis aussi photographe auto-entrepreneure, j’écris des articles et je raconte des histoires sur l’écologie, sur le voyage à vélo, sur les paysans, en tout cas ce que j’ai vu des paysans même si je ne suis pas paysanne moi-même.
Depuis quand êtes-vous boulangère ?
Je suis boulangère depuis que je fais du pain au levain chez moi, juste à la maison depuis 2017. Ma vocation de boulangère est venue à l’été 2020, trois ans plus tard en faisant un tour de France des paysans boulangers. Officiellement parlant, ma profession est d’être boulangère depuis octobre 2020, en CDI depuis mars 2021.
Les étapes pour faire son levain ?
Les étapes pour faire un levain ne sont pas toujours très claires, ça va dépendre du vivant, de comment les éléments réagissent. On commence par mélanger de la farine et de l’eau. Dedans, des micro-organismes (des bactéries, des levures) vont proliférer, juste en faisant cette pâte. Ensuite, on va rafraîchir, remettre de l’eau et de la farine pour nourrir ces éléments qui consomment les sucres et l’amidon qui sont dans la farine pour faire du gaz et faire gonfler la pâte. Il n’y a pas de recette miracle, c’est beaucoup de patience, d’observation, visuelle, olfactive et d’envie de le faire !
Vous lui avez donné un petit nom au vôtre ?
Le mien s’appelle Bodéon. Pour la petite histoire, j’habitais à Paris à côté d’Odéon quand je l’ai commencé.
Toujours le même depuis 2017 ?
Oui ! Toujours le même !
Vous nous parlez de votre voyage ?
Le dernier voyage c’était entre juillet et octobre 2020, j’ai fait une espèce de tour de France des paysans boulangers, boulangers, boulangères à vélo, qui s’est intitulé “L’Ambullangère”. A la fin du premier confinement, j’ai réalisé que j’avais envie de pousser la porte de cet univers là, mais je n’y connaissais rien en tout ce qui était paysannerie, j’avais envie de voir sur le terrain les gens qui font pousser leur blé, leurs céréales etc. Donc j’ai décidé de réaliser un rêve qui était de partir et d’aller rencontrer des paysans, des paysannes, des meuniers, des meunières, des boulangers pour pouvoir les comparer parce que ce ne sont pas les mêmes métiers. Je suis partie sur les routes de France pendant 3 mois. Je suis allée voir des fermes, participer aux fournées, prendre des photos et raconter leurs histoires.
Qu’est-ce que ça apporte de rencontrer tant de gens passionnés ?
Ça a un peu étayé mes fondations, de “est-ce que vraiment c’est quelque chose qui me plaît ?”. Ça m’a apporté beaucoup de connaissances sur le domaine, de légitimité à parler d’un domaine que je ne connaissais pas avant et pourtant qui me passionnait. Je ne le connaissais que de ma vie parisienne et je n’osais pas en parler parce que j’avais l’impression d’être imposteure. Maintenant, je suis allée les voir, j’ai vu comment ils travaillent, leurs conditions de vie, leur passion passion, leur métier. Maintenant, je peux dire avec plus de légitimité : je sais, j’ai été, je pense pouvoir un peu parler en leur nom même si c’est pas le but. J’ai pas l’impression de dire des bêtises parce que j’ai lu telle chose dans un article etc. Et aussi beaucoup de sagesse, de choses qu’on m’a dites, c’est un peu des boussoles qui font écho aujourd’hui encore dans mon parcours, des rencontres géniales qui m’ont vraiment aidées.
D’où vient cette passion pour le pain ?
Depuis toujours j’ai aimé le pain. J’ai retrouvé un petit livre d’imagerie pour enfant de quand j’avais 4 ans. C’est ma grand-mère qui me l’avait offerte, il y avait écrit “Pour Eugénie”, et j’adorais déjà manger du pain. Je ne savais pas qu’on pouvait faire du pain naturellement chez soi. La première fois que j’ai vu du pain au levain c’était en 2016, le jour du vote du Brexit à Londres, une copine qui m’invite chez elle et qui avait fait des petits pains au levain. Je ne savais pas que c’était possible j’ai découvert ça ce jour-là. Un an après, je me suis mise à en faire dans mon appartement à Paris, c’est devenu un peu une obsession, une passion, l’envie de toujours faire mieux, d’expérimenter, c’est venu comme ça !
Votre pain préféré ?
Difficile à dire. J’aime le pain au levain, je n’arrive presque plus à manger du pain à la levure, pour moi c’est vraiment moins bon, moins digeste. Le pain que je préfère, c’est un pain avec une bonne croûte, j’aime quand il est bien cuit. En termes de farine, de céréales, j’aime le seigle. Une bonne tourte de seigle ou un pain de méteil qui mélange seigle et blé
D’où viennent les céréales que vous utilisez ?
Je travaille dans une boulangerie, donc je n’ai pas vraiment le choix des farines, c’est mon patron qui décide. Si je dois utiliser des farines pour ma conso perso, je vais utiliser des farines de paysans. Souvent j’achète le plus local possible, des farines moulues sur meules de pierre. Ce ne sont pas des moutures qui sont explosées par les cylindres des moulins modernes, mais des farines dont le grain a été déroulé pour ne pas l’abîmer. C’est ce qu’on utilise aussi au fournil, elles viennent principalement de notre région, elles sont bio. On essaie au maximum de prendre des farines qui viennent de paysans locaux. Aujourd’hui, dans les boulangeries conventionnelles, on ne se pose pas du tout la question de la provenance de la farine alors qu’on se la pose depuis longtemps pour nos fruits et légumes. Pour la farine ça paraît évident, “elles viennent du moulin quoi”.
Qu’est-ce qui lie vos trois passions : le pain, le vélo, la photo ?
Les trois sont un peu des véhicules, des supports de mise en valeur de la culture, du territoires, des gens, par l’émerveillement des sens. Le pain c’est à la fois visuellement, gustativement, des sensations qui sont chouettes. L’histoire du pain, des boulangers, c’est la culture, les territoires etc. Le vélo c’est un voyage dans l’espace, dans les émotions, dans ton corps. C’est de l’émerveillement, de la sensation que seul le vélo permet de ressentir. La photo c’est une histoire, une image, ça peut émerveiller, ça peut choquer.
Votre objet du quotidien ?
Mon vélo. C’est la chose dont je me sers le plus au quotidien. Quand je sors de chez moi je prends mon vélo direct.
Un lieu à nous faire découvrir ?
Tant qu’on y est, moi je suis à Montreuil-sur-Mer, c’est hyper joli, c’est pas très connu. C’est dans le Pas-de-Calais (62) et c’est une très belle ville fortifiée sur une colline avec de jolies petites maisons. C’est très beau !
Un lien vers une personne ou un collectif pour une prochaine interview ?
C’est un copain, Timothée Vernier qui fait partie d’un collectif qui s’appelle le Permacooltour, qui fait un tour de France des initiatives, tout ce qui est éco-lieux, permaculture etc. Ils sont à vélo aussi,ils vont peut-être se stabiliser et changer de format bientôt, ils écrivent, ils prennent des photos etc.
A-t-on oublié une question ?
Je ne pense pas, non. Mais je pense que c’est important de se poser cette question : “d’où vient ce qu’on mange ?” de s’intéresser au territoire dans lequel on vit, aux cultures autour. Il faut bien se poser ces questions-là au quotidien.
Cultivez le lien en retrouvant Eugénie
sur Instagram @vikingonabike
Crédit photo : @sabver, @vikingonabike